Le jugement définitif en matière civile: un faux ami susceptible de tous les recours


L’essentiel

 

Au sens général du terme, le jugement définitif n’est nullement “définitif”, malgré cette qualification juridique et certaines idées reçues. Bien qu’il ait l’autorité de la chose jugée, il demeure exposé à toutes les voies de recours ordinaires et extraordinaires. Il n’est pas nécessairement exécutoire. Il n’a la force de la chose jugée que s’il est  passé en force de chose jugée. Et s’il est passé en force de chose jugée, et comme tel  non susceptible de voies de recours ordinaires, il reste passible des voies de recours extraordinaires. Il n’est pas irrévocable. En un mot, le jugement définitif est un vrai faux ami !

 I – Définition

 La définition du jugement définitif ne figure pas en clair dans le code de procédure civile.

 Elle se trouve, toutefois dans le non dit de l’article 480 du même code.

 L’article 480 énonce: “Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4”. L’article 4 n’est pas en cause.

 C’est au sens de l’article 480 précité que le jugement est qualifié de “définitif” par la doctrine (Perrot, Vincent et Guinchard et autres auteurs).

 II – Conséquences

Les conséquences majeures en sont les suivantes:

 1°) Le jugement définitif est susceptible de toutes les voies de recours ordinaires et extraordinaires

 Les voies de recours ordinaires sont l’appel et l’opposition; les voies de recours extraordinaires sont la tierce opposition, le recours en révision et le pourvoi en cassation.

 2°) Le jugement définitif n’est pas nécessairement exécutoire

 Tel est le cas, par exemple, du jugement définitif non exécutoire de droit, ou non assorti de l’exécution provisoire.

 III – Confusions à éviter 

Ainsi, il ne faut pas confondre:

 1°) Jugement définitif et jugement provisoire.

 Par opposition au jugement définitif, le jugement provisoire est un jugement sur lequel il est possible au juge de revenir, soit en raison de sa nature, soit en raison des mesures qui en font l’objet (art. 480 et 482 du cpc).

 Tel est le cas, notamment, d’une ordonnance de référé; d’une ordonnance du juge de la mise en état; d’un jugement statuant sur une pension alimentaire ou sur une mesure de garde; d’une mesure d’expertise.

 2°) Jugement définitif et jugement passé en force de chose jugée

 – l’article 500 du code de procédure civile définit ainsi le jugement passé en force de chose jugée: “A force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai.”

 Par voie de conséquence, un jugement rendu en dernier ressort, susceptible uniquement de voies de recours extraordinaires, est un jugement définitif passé en force de chose jugée.

 De même, un arrêt d’appel est nécessairement passé en force de chose jugée. Mais il n’est pas irrévocable.

 Le jugement passé en force de chose jugée est nécessairement un jugement exécutoire.

 3°) Jugement définitif et jugement exécutoire

 Aux termes de l’article 501 du code de procédure civile énonce: “Le jugement est exécutoire, sous les conditions qui suivent (aux articles suivants), à partir du moment où il passe en force de chose jugée, à moins que le débiteur ne bénéficie d’un délai de grâce ou le créancier de l’exécution provisoire.”

 Le jugement définitif n’est pas exécutoire, s’il est susceptible d’appel ou d’opposition.

 4°) Jugement ayant l’autorité de la chose jugée et jugement passé en force de chose jugée

 Ne pas confondre jugement ayant l’autorité de la chose jugée et jugement passé en force de chose jugée.

 L’article 1351 du code civil fixe la portée de l’autorité de la chose jugée visée à l’article 480 du code de procédure civile précité.

 “L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.”

 – Ainsi, le jugement passé en force de chose jugée a l’autorité de la chose jugée et la force de la chose jugée.

 – S’il n’est pas passé en force de chose jugée, le jugement définitif a l’autorité de la chose jugée, mais non la force de la chose jugée.

 En effet, un jugement ayant l’autorité de la force jugée peut être objet d’appel.

 5°) Jugement définitif et jugement irrévocable

 Le jugement irrévocable est celui non susceptible de pourvoi en cassation, de tierce opposition ou de recours en révision.

 6°) Jugement passé en force de chose jugée et jugement irrévocable

 Le jugement passé en force de chose jugée peut être révoqué à la suite d’un pourvoi en cassation, d’une tierce opposition et d’une procédure de révision.

 IV – Conclusion

 Le jugement définitif n’est qualifié comme tel que par rapport à la contestation qu’il tranche et à la juridiction qui l’a rendu. Il est susceptible de tous les recours.

 Le jugement définitif n’est pas celui qu’on croit.

_____________________________________________________________Jean-François Sampieri-Marceau
Avocat au barreau de Paris

Tous droits de reproduction réservés  / 26 mai 2016